20 août 2012

Document de consultation 25-401 des ACVM sur églementation des agences de conseil en vote

La présente lettre est présentée au nom de l'Institut des administrateurs de sociétés en réponse à l'invitation qui lui a été faite de présenter ses commentaires relativement à la perspective de réglementation sur les valeurs mobilières afin d'aborder les préoccupations relatives aux agences de conseil en vote déterminées par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières dans le document 25-401.

Le contexte
 
Pourquoi l'IAS a-t-il été invité à fournir des commentaires sur le document des ACVM? En deux mots, l'exercice des droits de vote par les actionnaires est une composante essentielle d'une gouvernance d'entreprise efficace.
 
Notre système de vote par procuration a toujours été fondé sur le principe de base suivant : la personne qui cherche à obtenir une procuration en lien avec un vote lors d'une assemblée des actionnaires doit fournir les renseignements réglementaires relatifs à son identité, à tout intérêt matériel à l'endroit de l'émetteur et aux questions soumises au vote, et divulguer l'objet des questions de façon assez précise afin de permettre aux porteurs de titres raisonnables de formuler un jugement éclairé sur les questions mises de l'avant. En vertu des lois en matière de valeurs mobilières, les émetteurs, les dissidents et leurs administrateurs et dirigeants respectifs peuvent être tenus responsable de toute présentation erronée de l'information dans les documents qu'ils font parvenir aux actionnaires.
 
Les administrateurs prennent à coeur ces obligations en matière de divulgation compte tenu du fait qu’ils sont la première voie de communication des actionnaires et qu’ils sont responsables s’ils n’y voient pas.  
 
À l'heure actuelle, les agences de conseil en vote, qui jouent désormais un rôle d’intermédiaire en fait de voie de communication, ne sont subordonnées à aucune obligation, ni à aucune norme. Or, nous sommes d'avis qu'elles exercent une influence considérable sur l'exercice des droits de vote.
 
Nous reconnaissons que les agences de conseil en vote jouent un rôle important pour ce qui est d'aider leurs clients à exercer leurs droits de vote. Leur influence accrue et la croissance de leurs activités témoignent de l'importance du créneau de marché auquel ils dispensent leurs services.
 
Ce fossé entre l'influence exercée par les agences de conseil en vote et l’obligation de ces dernières de rendre des comptes exige l'attention des ACVM. Nos commentaires, que vous trouverez ci-dessous, visent à offrir des observations, des points de vue et des solutions proposées pragmatiques, en abordant les préoccupations soulevées par les ACVM, notamment :

  • Conflits d’intérêts potentiels
  • Manque de transparence
  • Inexactitudes potentielles et dialogue limité avec les émetteurs
  • Conséquences perçues en matière de gouvernance
  • Importance du recours des investisseurs institutionnels aux agences de conseil en vote
  • Perspective de cadres réglementaires
 
Conflits d’intérêts potentiels
 
Nous sommes d'accord avec les conflits d'intérêts potentiels déterminés par l'ACVM à la rubrique 4.1 du document de l'ACVM. Nous sommes également d'accord qu'il existe plusieurs approches et solutions réglementaires possibles pour régler le problème.
 
Nous recommandons que les  agences de conseil en vote soient tenues de divulguer expressément tout conflit à l'égard de tout sujet sur lequel elles formulent une recommandation. Cette divulgation doit être détaillée, claire et ne pas être réduite à des formulations toutes faites. Nous recommandons également que les agences de conseil en vote érigent des « murs » et qu'elles adoptent d'autres solutions structurelles pour éliminer toute partialité dans les conseils qu'elles prodiguent.
 
Nous avons de très sérieuses réserves quant à la capacité des « murs » et de la divulgation à régler les situations de conflits d'intérêts. Par exemple, nous estimons qu'une agence de conseil en vote ne devrait pas fournir des recommandations de vote sur un sujet donné lorsqu'elle fournit des services de consultation à l'émetteur ou au client investisseur ou au propriétaire ayant un intérêt matériel.
 
Manque de transparence
 
D'une manière générale, nous ne sommes pas inquiets par la divulgation non publique des recommandations en matière de vote par procuration données par une agence de conseil en vote à ses clients sur des questions commerciales à être abordées lors d'une assemblée des actionnaires. Cette approche concorde avec la nature contractuelle du lien qui existe entre l’agence de conseil en vote et ses clients, et le manque de protections juridiques applicables à ces communications.
 
Tel qu'il sera démontré ci-dessous, nous ne voyons pas les choses du même œil quant aux assemblées des actionnaires lorsque l’agence de conseil en vote a l'intention de formuler une recommandation de vote allant à l'encontre de la recommandation contenue dans la circulaire d'information de la direction (une « recommandation contraire ») ou qu'elle élabore ses lignes directrices de vote par procuration.

Inexactitudes potentielles et dialogue limité avec les émetteurs
 
Les administrateurs de sociétés consacrent beaucoup de temps et accordent beaucoup de soins et d'attention à la préparation des circulaires d'information afin de veiller à ce qu'elles répondent aux normes de divulgation. Sinon, ils sont tenus responsables.
 
Les agences de conseil en vote ont une grande influence sur les résultats de vote mais n'ont aucune tâche ou devoir de reddition de comptes semblable.
 
L'IAS est d'avis que ce déséquilibre doit être corrigé. Il est crucial que les décisions de vote de l'actionnaire reposent sur une divulgation pertinente et précise.
 
Nous avons été mis au courant de situations où des recommandations relatives au vote formulées par des agences de conseil en vote comportaient des erreurs et des inexactitudes. Nous avons aussi été informés que certains administrateurs et émetteurs ont remis en doute la qualité et l'expérience des membres du personnel des agences de conseil en vote, qui sont appelés à analyser et à donner leur avis sur des sujets complexes.
 
Quelles mesures devraient être prises pour remédier à cette situation? Il s'agirait, par exemple, d'uniformiser les règles du jeu et d'exiger que les agences de conseil en vote se conforment aux mêmes règles que tout organisme qui diffuse de l'information qui risque d'influencer la remise ou la retenue d'une procuration. Nous reconnaissons que cette solution n'est peut-être pas très pratique compte tenu du volume élevé, des délais serrés et des coûts auxquels les agences de conseil en vote auraient à faire face au cours de la saison de sollicitation de procurations en vue de l'assemblée annuelle.
 
À notre avis, au minimum, l'ACVM devrait donner son appui à une solution pragmatique à ce problème.
 
Une telle solution nécessiterait que :
 
  1. Lorsque l'agence de conseil en vote entend formuler une recommandation contraire, elle doit en discuter avec l'émetteur et en partager le rapport avec ce dernier avant que la recommandation soit conclue et diffusée aux votants; et
  2. Si le résultat de ce processus demeure une recommandation contraire voulue, l'émetteur doit disposer d'assez de temps et de la possibilité, s'il le désire, d'inclure une remarque dans les documents qui sont fournis aux clients de l’agence de conseil en vote.
Nous croyons que cette approche réduira beaucoup la probabilité que l'actionnaire vote en fonction de renseignements erronés, et qu’elle constitue aussi une solution allégée mais potentiellement très efficace et pragmatique au problème. Il est impératif qu'une solution soit trouvée pour ce problème, le statu quo étant tout à fait inacceptable. Nous sommes d'avis que cette approche devrait être empruntée au minimum par l'ACVM. La solution exigera aussi que les émetteurs disposent de suffisamment de temps pour fournir leurs commentaires et obtenir l'approbation du conseil d'administration, au besoin. Des exigences en fait de divulgation publique auraient aussi à être satisfaites, le cas échéant.
 
Nous avons noté que, tel qu'il est souligné dans le document de l'ACVM, le New York Stock Exchange Commission on Corporate Governance recommande que les agences de conseil en vote divulguent les commentaires de l'entreprise par rapport à leurs analyses et leurs conclusions. Nous notons aussi que, en vertu de sa politique d'engagement du Conseil, la Coalition canadienne pour une saine gestion des entreprises (« CCSGE ») donne généralement au conseil d’administration de l'émetteur l'occasion d'émettre des commentaires sur les ébauches de ces rapports avant que ceux-ci ne soient mis à la disposition des membres de la CCSGE.
 
Pour réduire davantage la probabilité que l'actionnaire vote en fonction de renseignements erronés, et afin d'aborder les préoccupations ayant été exprimées par les administrateurs et les émetteurs quant à la qualité et le manque d'expérience des membres du personnel de l'agence de conseil en vote qui sont appelés à élaborer des analyses et à formuler des recommandations sur des sujets complexes, les ACVM devraient envisager créer des normes de suffisance pour la réalisation de ce travail.
 
Élaboration de normes en matière de gouvernance d'entreprise
 
Nous sommes d'avis que les agences de conseil en vote peuvent avoir un apport positif sur la gouvernance d'entreprise. Pour qu’elles y parviennent, nous estimons que le processus pour l'élaboration de lignes directrices de vote par procuration devrait inclure la possibilité de consultation avec les communautés des émetteurs et des administrateurs afin que les lignes directrices prennent en compte les points de vue de ces groupes importants.
 
Il est également important que ces lignes directrices ne soient pas coulées dans le béton : la « taille universelle » en gouvernance d'entreprise ne convient pas, et la gouvernance d'entreprise ne devrait pas devenir un exercice de « cocher la case ».
 
Nous remarquons avec intérêt l'ébauche d'un document de travail réalisé par le Rock Center for Corporate Governance qui conclut que les émetteurs aux États-Unis ayant modifié la rémunération de leurs dirigeants afin de se conformer aux lignes directrices des agences de conseil en vote et aux recommandations de vote, ont subi en fait une diminution de la valeur actionnariale. Ceci vient renforcer le besoin d'un dialogue entre la communauté des émetteurs et celle des administrateurs pour l'élaboration de ces directives, et correspond à l'appui de l'IAS d'un engagement efficace de la part des actionnaires comme, par exemple, avec la CCSGE.

Recours par les investisseurs institutionnels
 
Les investisseurs institutionnels sont mieux placés pour fournir des commentaires, mais nous estimons que les agences de conseil en vote ont une influence et jouent un rôle important dans les résultats de vote.
 
La portée de leur influence et le recours à celles-ci ne se calculent pas facilement, mais nous soulignons la pratique d'émetteurs et de dissidents à publiciser la recommandation d'une agence de conseil en vote dans des situations contestées de réunion. Une valeur est de toute évidence accordée par les participants à la recommandation.
 
Nous insistons sur l'importance que l'IAS accorde à l'exercice du droit de vote, et incitons tous les actionnaires à prendre le temps et à accorder l'attention nécessaire à exercer ce droit important. Confier cette fonction à une agence de conseil en vote, même si l'actionnaire conserve la capacité théorique de revenir sur une position, constitue, à notre avis, une abdication de responsabilité. Notre système de vote par procuration devrait jumeler l'exercice du pouvoir de vote et l'intérêt économique et non les séparer.
 
Perspective de cadres réglementaires
 
Plusieurs options s'offrent aux ACVM à ce chapitre. D'un côté, une réglementation d'ensemble et détaillée pourrait être envisagée. Nous suggérons une approche moins radicale et plus pragmatique, au minimum.
 
À notre avis, les agences de conseil en vote devraient avoir une année pour adopter l'approche recommandée dans la présente lettre comme pratique exemplaire. Si, au bout d'un an, les agences de conseil en vote ne s'exécutent pas, ou que cette approche minimale s'avère insatisfaisante, les ACVM devraient accroître la réglementation.
 
Autres
 
Dans notre lettre de commentaires datée du 28 mars 2011 en réponse à l'avis du personnel de la CVMO 54-170 de demande de commentaires relativement aux droits démocratiques des actionnaires, nous avons souligné l'importance d'assurer l'intégrité du système de vote par procuration et avons exprimé nos préoccupations relatives au « empty voting » (transfert momentané de droits de vote). Nous encourageons les ACVM à adopter ces initiatives et à les promouvoir.
 
Conclusion
 
L'IAS estime que l'exercice des droits de vote par les actionnaires est une composante essentielle d'une gouvernance d'entreprise efficace. La communauté des administrateurs estime que les décisions de vote doivent être fondées sur une divulgation précise et adéquate. Il existe présentement un fossé entre l'influence exercée par les agences de conseil en vote et leur obligation à rendre des comptes qui mine cet aspect de la gouvernance d'entreprise et a une incidence sur l'intégrité de nos marchés financiers. Plusieurs options s'offrent aux ACVM à ce chapitre. Au minimum, nous recommandons que les agences de conseil en vote disposent d'une année pour adopter les pratiques exemplaires suivantes :
  • Divulguer expressément tout conflit quant à toute recommandation de vote qu'elles formulent;
  • Dresser des « murs » et adopter des solutions structurelles afin d'éliminer toute partialité des conseils qu'elles fournissent;
  • Éviter de formuler des recommandations de vote relativement à un sujet précis après avoir fourni des services de consultation à l'émetteur ou leur client investisseur ou propriétaire ayant un intérêt matériel;
  • Lorsque l'agence de conseil en vote entend formuler une recommandation contraire, elle doit en discuter avec l'émetteur et en partager le rapport avec ce dernier avant que la recommandation ne soit conclue afin d’assurer la justesse et la précision du processus, et permettre à l’agence de conseil en vote de présenter un point de vue entièrement pris en compte;
  • Si le résultat de ce processus demeure une recommandation contraire voulue, l'émetteur doit disposer d'assez de temps et de la possibilité, s'il le désire, d'inclure une remarque dans les documents qui sont fournis aux clients de l'agence de conseil en vote; et
  • Discuter avec les émetteurs et les administrateurs de l'élaboration de lignes directrices de vote par procuration ainsi qu'avec les autres parties prenantes, et élaborer des directives qui ne sont pas coulées dans le béton.

Les agences de conseil en vote devraient avoir une année pour adopter les pratiques exemplaires susmentionnées. Si, au bout d'un an, les agences de conseil en vote ne s'exécutent pas, ou que cette approche minimale s'avère insatisfaisante, les ACVM devraient accroître la réglementation.
 
Pour réduire davantage la probabilité que l'actionnaire vote en fonction de renseignements erronés, et afin d'aborder les préoccupations ayant été exprimées par les administrateurs et les émetteurs quant à la qualité et le manque d'expérience des membres du personnel de l'agence de conseil en vote qui sont appelés à élaborer des analyses et à formuler des recommandations sur des sujets complexes, les ACVM devraient envisager créer des normes de suffisance pour la réalisation de ce travail.

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